Chronique berckoise de début de siècle 5ème partie

 

 La vraie histoire de l'ensablement de la digue Barrois prolongée

Suite et fin du rapport « très catégorique » du sous ingénieur d’Etaples qui appelle l’attention de l’Assistance Publique et de la ville de Berck sur des dangers d’empiètement de la mer en baie d’Authie.

 
Séance du conseil municipal du 4 avril 1916
 
 
 
PROGRES DE LA MER EN BAIE d’AUTHIE 2ème partie
 

Par suite de l’obstruction du chenal endigué de l’Authie à l’extrémité aval de la digue submersible, le niveau de la rivière à marée basse s’est nécessairement maintenu à une hauteur suffisante pour assurer l’évacuation’ des eaux par dessus le couronnement de la digue et il s’en est résulté immédiatement un déplacement de la rivière vers le Nord. L’Authie, après s’être jointe au courant secondaire de la course, s’est notablement rapprochée de la Rive droite de la baie et de la pointe du Haut Banc  et en juillet dernier, elle occupait la position donnée par des filets violets sur le plan général ci-joint de la baie d’Authie.

            Durant le second trimestre de 1915, le banc de sable prolongeant la pointe de Routhiauville a continué de se développer vers le Nord Est, et au mois de Décembre il recouvrait, sur 310m l’extrémité aval de la digue et sa pointe nord s’avançait d’environ 160m au nord de cet ouvrage.

            Le mouvement s’est encore accentué au court du mois de janvier 1916 et au 1er février courant, la pointe du banc s’étendait à 300 m au nord de la digue, qui elle-même était recouverte sur une longueur de 370m. En vue d’arrêter cet ensablement extraordinaire rapide, M. le Ministre des Travaux public a autorisé, à la date du 12 du mois dernier (c'est-à-dire mars) la création d’un déversoir à travers la digue submersible, aussi près que possible de son extrémité du large.

            Les dernières positions de l’Authie sont données sur le plan par les liserés bleus.

            L’examen de ce plan permet de constater que, depuis le mois de juillet 1915, la rivière, après s’être confondue avec le courant de la « course » s’est notablement rapprochée de la pointe du Haut Banc, d’une part entre le Phare et l’Hôpital où elle est venue jusqu’à 30 m du musoir de l’épi 8-9 et d’autre part, en amont de l’épi 16/17, dont l’extrémité du large et le talus Sud-est sont attaqués sur une longueur de 60m.

            C’est d’ailleurs cet ouvrage qui s’oppose à un mouvement plus accentué de l’Authie vers la pointe du Haut Banc.

            La présence du lit de la rivière à proximité des dunes a, comme il fallait le prévoir, déterminé un  abaissement général très important de l’estran, susceptible de déterminer la ruine des perrés en maçonnerie établis entre le phare et l’hôpital et ainsi les conditions dangereuses énumérées par la commission de 1887, à savoir, le déplacement du cours d’eau sous la poussée des atterrissements venant du sud et l’affouillement de l’estrans, se trouvent ainsi très défavorablement réunies.

            Il en résulte un état de choses plus qu’inquiétant pour la pointe du haut banc et par voie de conséquence pour la conservation de la partie sud ouest du territoire de Berck et la sécurité de l’hôpital de l’Assistance Publique.

            Il est à remarquer en effet que le cordon de hautes dunes constituant la pointe même du Haut Banc est relativement mince, tout spécialement au sud de l’enceinte du phare et qu’immédiatement en arrière le sol n’est guère plus élevé que le niveau atteint par les hautes mer de vive eau en tempête.

            Il est d’ailleurs facile d’expliquer et de suivre sur le plan général ci-joint de la baie d’Authie les modifications qui se sont produites au cours des dix dernières années.

            En 1905, l’Authie se déverse au sud de l’Estuaire et en plus la course et un courant intermédiaire assurent le remplissage et la vidange de la baie. La situation est bonne à la pointe du Haut Banc et on constate même un engraissement de la dune entre le phare et l’épi 16/17. Par contre la présence de la dépression de la bourse à proximité du rivage, en amont de cet ouvrage, est la cause d’une corrosion importante des dunes au lieu dit « le Trou aux Loups » et cet état de choses ne cessera qu’en 1912, avec l’éloignement de la bourse vers le Sud Ouest.

            A partir de 1913, l’Authie commence à se déplacer vers le Nord dès le musoir de la digue submersible et arrive même en 1914, à se réunir momentanément à la bourse au droit de l’épi 16/17.

            Comme conséquence de ces mouvements l’Estran s’abaisse aux abords de la pointe du Haut Banc et les grosses dunes qui la constituent se trouvent attaquées par les hautes mers et vives eaux ordinaires.

            Du mois de mars 1913 au mois de mars 1914 la corrosion maximum de la pointe atteint 13 mètres de largeur et de cette dernière date à ce jour, elle s’est élevée à 19 mètres.

            En fait cependant la pointe même du Haut Banc n’a été détruite que sur une épaisseur de 45 mètres depuis 1897, date de la dernière délimitation officielle du rivage de la mer dans cette partie de côte, mais la corrosion a atteint une moyenne de 12 mètres pour chacune des trois années 1913, 1914 et 1915, soit 36 mètres pour cette période triennale. L’allongement rapide du banc de sable qui prolonge la pointe de Routhiauville ne permettant pas de prévoir une amélioration prochaine de l’état actuel des choses, nous devons conclure que la situation est devenue dangereuse ainsi que nous le plus haut.

            Un projet de protection de la Rive droite de ma baie d’Authie a bien été approuvé par décision ministérielle du 11 octobre 1904, mais le brusque allongement de la pointe de Routhiauville et l’ensablement de l’extrémité aval de la digue submersible, que rien ne pouvait faire prévoir à un pareil degré rendent insuffisantes les dispositions adoptées à cet effet.

            La révision de ce projet s’impose mais l’Administration des Travaux publics ne prescrira une nouvelle étude que sur l’initiative et une demande reconnue justifiée des intéressés.

                                   Le Sous Ingénieur Principal

                                   Des Ponts et Chaussées

                                   Signé :  Dufossé

 

 

                                               Avis de l’Ingénieur

                                                -o+o+o+o+o+o+o-

 

            Le rapport ci-dessus indique combien inquiétante est devenue la situation de la côte sur la rive droite de l’Authie et d’autre part, l’examen des lieux m’a convaincu de la nécessité de signaler aux administrations intéressées en l’espèce la ville de Berck et l’assistance publique de Paris, l’aggravation survenue depuis un peu plus d’une année.

            Il y a lieu d’appeler leur attention sur la nécessité d’étudier un nouveau projet de travaux de défense des dunes à la pointe du Haut Banc, appropriés au nouvel état de choses, afin qu’elles puissent prendre toutes décisions utiles pour obtenir des pouvoirs publics compétents les autorisations et les concours nécessaires. La décision ministérielle du 20 décembre 1915 rappelle en effet, qu’il appartient aux intéressés de prendre l’initiative de demander à l’état l’exécution des travaux de défense qu’ils estiment nécessaires à la préservation de leurs propriétés et d’en justifier la nécessité.

            En résumé, je propose d’adresser à M le Maire de Berck et à M. le Directeur de l’Hospice de Berck une copie de la note de M. Dufossé et du plan qui est annexé à cette note.

                                                           Boulogne, le 9 Mars 1916

                                                           L’Ingénieur

                                                           Signé : N. Ferrairt

 

                                               Lu, adopté et transmis à Monsieur le Maire de Berck

                                                           Boulogne, le 22 Mars 1916

                                                           L’Ingénieur en Chef

                                                           Signé : Jiny

 

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Quelques commentaires :

Qu’appellait’on la « course » ? A l’époque la mer entrait dans la baie via trois chenaux, l’Authie, au sud, la course au nord et un courant intermédiaire. Les bateaux entraient dans la baie au montant par la course, certainement ainsi appelée du fait de son courant porteur favorable dont les enfants des marins de l’époque en rapportent le témoignage. Les bateaux allaient à l’époque s'abriter en s'échouant en baie dans une petite anse protégée de la houle, appelée « Calloui », située après le bec de perroquet. Cet endroit est aujourd'hui ensablé et envasé. La mer n'y parvient plus qu'en grandes marées.

Aujourd’hui le chenal de l’Authie est parvenu complètement au nord. Il subsiste quand même un peu plus au sud deux chenaux moins profonds par lesquels le flot d’écoule. Il sont appelés par les marins le grand et le petit « boulonnais ».

A Fort Mahon, côté baie en longeant la mer à marée basse, il existe une grande bâche, bien connue des pêcheurs de crevettes, appelée la « bâche tempête » du fait de sa situation protégée à marée basse par tout temps. Elle est en train de s’ensabler.

Il est fait référence dans le rapport d’une « bourse » à la situation changeante. Les ancines que nous avons intérrogés ne connaissent pas.  Il semble à la lecture que ce soit une excavation marine proche du rivage, créée par la conjonction des deux courants.